Qui te dit que les livres qu’on a dans la Bible sont les bons ?

par Oct 27, 2020Apologia Doctrine, Bible0 commentaires

Cet article est la suite dans une série sur la fiabilité du texte biblique. L’article précédent est ici. La série commence ici.

Il y a un air conspirationniste qui circule autour de la question du canon du Nouveau Testament (et aussi un peu de l’Ancien Testament), c’est-à-dire des livres qui y appartiennent. Or, il y a beaucoup de conspirations avérées dans l’histoire humaine, mais celle-ci n’en est certainement pas une. Pourtant, elle semble être crue dans la majorité des bistrots aujourd’hui, et même dans certains cercles académiques.

Cette théorie serait qu’au début du christianisme, il y avait une diversité de croyances et une ouverture sur ces diverses opinions: tant d’idées sur qui Jésus était et ce qu’il enseignait, qui étaient échangées dans plusieurs livres qui ne se trouvent pas de le Nouveau Testament. Puis, tout à coup, boum, ces idées, et ces livres ont été balayées d’un revers de la part de la méchante église catholique, parce que l’empereur Constantin aurait dit : “C’est moi qui décide !”

Bien sûr, quand on demande des preuves pour ces affirmations, soit on reçoit des regards confus, comme si nous étions ceux qui s’accrochent à une idée qui a déjà été démentie par l’histoire, soit on a une réaction un peu timide et une référence aux oeuvres de fiction de Dan Brown (la référence se fait vieillotte au vu de la rapidité de changement des livres à la mode, mais en gros, c’est un auteur de romans d’intrigue qui fourre des conspirations catholiques dans le tas, le plus connu étant The Da Vinci Code).

Afin de corriger toutes ces notions, il faut que nous revenions en arrière dans le temps et que nous regardions ensemble les documents en question.

Une vision du monde propice à cette idée

Il n’est pas surprenant qu’à l’ère du postmodernisme, où tous les points de vue s’équivalent, on développe ce discours de “diversité théologique”, comme s’il existait dès le début une variété de points de vue sur qui un homme nommé Jésus était et ce qu’il aurait dit. C’est dans l’air du temps de remettre en question les fondations posées depuis longtemps et de chercher à mettre en avant des voix minoritaires, peu importe la valeur de leur témoignage.

Commençons par la vie de Jésus. Cet homme a existé, a enseigné pendant une période de deux à trois ans et a été crucifié environ l’an 30. Peu après, ses disciples ont réellement vécu une expérience qui les a poussé à annoncer sa résurrection et enseigner son message dans toute la région de Palestine, pour ensuite l’amener au-delà de ses frontières, jusqu’à arriver en Asie Mineure (la Turquie d’aujourd’hui), en Grèce, et finalement en Italie, dans la capitale de l’Empire Romain déjà vers les années 50 et 60 ap. J.-C. Non seulement, mais la plupart de ses disciples sont morts pour leur message. Pratiquement tout académique vivant et enseignant dans une université aujourd’hui est d’accord sur ces faits. (Cette conclusion vient de la recherche sur les “faits minimes” de Gary Habermas, l’expert sur la question).[1]

Un décalage chronologique et théologique entre les textes du Nouveau Testament et leurs rivaux

Au fur et à mesure que les disciples de Jésus développaient leur ministère, ils furent amenés à rédiger des textes parlant des faits et gestes de Jésus et à écrire des lettres à diverses communautés sur des questions doctrinales, comment vivre leur foi et comment comprendre les Écritures hébraïques à la lumière de la venue de Jésus. Voilà ce que contient le Nouveau Testament. Beaucoup ne se rendent pas compte que les textes plus anciens qui sont contenus dans le Nouveau Testament sont des lettres écrites à diverses communautés, non pas des textes ésotériques sans destinataire particulier: les épîtres de, Paul, Jacques et Pierre  (oui, c’est de là que vient l’expression !) etc. répondent à des questions et des situations spécifiques pertinentes à des communautés qui auraient reçu le message de l’évangile et font même souvent des salutations à plusieurs personnes nommées : elles se placent dans un contexte historique. Beaucoup ne savent pas non plus que tous les textes du Nouveau Testament ont été rédigés au 1er siècle, alors que tous les autres textes qu’on cherche à mettre au même niveau que le Nouveau Testament ont été écrits au cours du deuxième siècle et plus tard.

Ce fait est problématique pour ceux qui aimeraient inclure les “évangiles” apocryphes. Historiquement, nous pouvons montrer que les textes du Nouveau Testament sont composés par des personnes qui ont connu Jésus ou qui étaient compagnons de personnes l’ayant connu. On ne peut pas dire la même chose des évangiles apocryphes. Ceci réfute automatiquement leur autorité pour nous parler de la véritable personne de Jésus.

Théologiquement, il y a un lien profond entre les textes du Nouveau Testament et de l’Ancien. Ces livres sont écrits par des personnes qui ont un profond respect pour les Écritures hébraïques et, comme Jésus, s’appuient sur elles pour montrer une continuité entre la théologie de l’Ancien Testament et du Nouveau (n’en déplaise à certains qui ne cessent de les opposer), pour prouver que Jésus devait venir pour accomplir ce qui est prophétisé et promis par Dieu dans les textes de Genèse à Malachie.

Ceci n’est pas du tout le cas des “évangiles” écrits après la mort des disciples. Ils cherchent à allier Jésus à une philosophie qui n’a rien avoir avec le Dieu de l’Ancien Testament : certains enseignent même que ce dieu-là serait mauvais et inférieur à d’autres divinités, l’antithèse de la croyance des Juifs. Ils mélangent le polythéisme et la spiritualité grecque, qui dénigrait le monde physique, aux paroles de Jésus. Ces textes n’ont aucune raison d’être dans le Nouveau Testament, car ils ne donnent aucune valeur à la foi de Jésus qui se trouve dans l’Ancien et même le contredisent !

Il n’y a d’ailleurs jamais eu de concile pour écarter des textes apocryphes, car ce n’était pas nécessaire. Constantin, l’Empereur accusé d’avoir scellé les livres acceptés au IVème siècle, ne s’est jamais prononcé sur les livres de la Bible et d’ailleurs, le Concile de Nicée, souvent vu par les conspirationnistes comme le moment clé dans l’imposition du canon n’a pas traité de cette question. Il s’agissait en revanche d’une discussion sur la nature du Christ. Pour discuter de cette nature, ils devaient bien avoir des textes bibliques non ? Effectivement, Arius (celui qui s’opposait à l’enseignement de l’Église sur la nature du Christ) n’a pas débattu sur quels textes étaient admis, il utilisait les mêmes Écritures que ses adversaires.

Pourquoi donc rejeter les apocryphes ? 8 raisons

Pour conclure sur la question des livres exclus, voici une liste des raisons pour lesquelles ils ont été rejetés par l’Église :

  1. Ce ne sont pas des textes qui s’appuient sur l’Ancien Testament de la façon dont le font les livres du Nouveau et surtout dont le fait Jésus, pour authentifier sa personne et son message. Ils ne sont donc pas dans une continuité de la révélation antécédente ;
  2. Ils ne proviennent pas du 1er siècle après Jésus-Christ comme c’est le cas des textes apostoliques mais sont des inventions tardives qui n’ont pas été écrits par les personnes dont ils portent le nom (Thomas, Philippe, Marie etc.) ;
  3. Ils s’appuient sur une connaissance au préalable des évangiles et ensuite souvent mettent des ajouts aux paroles de Jésus ou cherchent à remplir les parties de la vie de Jésus qui ne sont pas données dans les évangiles (l’enfance, les détails de la résurrection) ;
  4. Pour la plupart, ils ne sont pas écrits en grec mais en copte, une langue égyptienne sans lien à la Judée, alors que le Nouveau Testament est écrit entièrement en grec, la langue dominante de l’empire romain à l’époque ;
  5. Ce ne sont pas des évangiles en ce qu’ils ne racontent pas une histoire de la vie et du ministère de Jésus en présentant surtout “l’Évangile” c’est-à-dire la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, mais souvent des bribes de discours mystiques de leur version de Jésus ;
  6. A contrario de ce que certains croient, ils ne présentent pas un Jésus plus humain ou tolérant, mais plus ésotérique que les évangiles apostoliques : parfois, il est un esprit qui possède un homme, parfois un petit enfant démoniaque qui tue les autres enfants avec qui il joue (certains diraient que cela serait bien réaliste), et dans l’évangile de Pierre, il est un géant dont la tête dépasse les cieux au moment de sa résurrection ;
  7. Un des enseignements des évangiles apocryphes, c’est le gnosticisme, l’idée qu’il existe un savoir secret que seul un petit groupe d’initiés auraient le droit de connaître. Ce n’est pas la croyance du christianisme : Jésus explique certaines choses compliquées en privé à ses apôtres parfois, mais il leur dit par la suite: “Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits.” (Matthieu 10.27) Il n’y a pas de secrets ou d’élite spirituelle dans le christianisme. Non seulement cela, mais lié au premier point, le gnosticisme enseignait que le monde physique était mauvais, créé par un dieu méchant et éloigné de la vraie source divine. Il s’agit donc là d’un polythéisme absolument contraire à ce que les Juifs, dont Jésus était le Messie, croyaient. D’ailleurs, les évangiles apocryphes donnent un statut étrange à la femme : d’un côté, Marie Madeleine aurait reçu un enseignement secret de Jésus, d’un autre, selon une phrase célèbre de l’évangile de Thomas (logion 114), elle devrait devenir un homme pour entrer dans le royaume des cieux (« Simon Pierre leur dit : « Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie. » Jésus dit : « Voici que moi je l’attirerai pour la rendre mâle, de façon à ce qu’elle aussi devienne un esprit vivant semblable à vous, mâles. Car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux. »)
  8.  Finalement, il y a d’autres écrits qui pourraient être considérés comme orthodoxes, qui étaient lus et appréciés par les chrétiens au deuxième siècle, qui n’ont finalement pas non plus été admis au canon des Écritures, pour la toute simple raison qu’ils n’étaient pas considérés comme Écritures, n’ayant pas été produits dans l’ère apostolique par le cercle des apôtres (le Pasteur d’Hermas, l’épître de Barnabé, 1 Clément).

 

 

[1] On peut lire un développement des idées de Habermas dans l’article suivant: 

https://digitalcommons.liberty.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1014&context=sod_fac_pubs

Justin Bass, PhD de Dallas Theological Seminary parle des faits crus de tous les académiques experts dans la matière, y compris les sceptiques, dans son livreThe Bedrock of Christianity: The Unalterable Facts of Jesus’ Death and Resurrection