L’Ancien Testament, copie conforme ?
Cet article est la suite dans une série sur la fiabilité du texte biblique. L’article précédent se trouve ici.
Oui mais pour l’Ancien Testament, c’est pas la même chose!
On peut revenir vers nous avec une opinion informée sur le fait que l’Ancien Testament n’a pas le même niveau d’attestation que le Nouveau. Et on aurait raison. Mais l’Ancien Testament nous vient d’une période encore plus ancienne, ce qui rend la difficulté d’avoir des textes proches de la date de rédaction bien plus grande. Néanmoins, il y a plusieurs facteurs importants qui soutiennent la véracité et la transmission juste de l’Ancien Testament: Jésus et les auteurs du Nouveau Testament, le peuple d’Israël, les Esséniens, la Septante et les autres traductions anciennes de l’AT et finalement, le texte de l’Ancien Testament lui-même.
Jésus et l’Ancien Testament
Jésus croyait à la véracité de l’Ancien Testament et il le citait régulièrement. Si Jésus est réellement Dieu incarné, s’il est ressuscité d’entre les morts, il a son mot à dire sur la véracité de l’Ancien Testament. Il déclare, en effet : “Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.” (Matthieu 5.17). Il parle avec confiance des Écritures de son époque et avec cette affirmation, couvre l’ensemble des textes. A-t-on des exemples de ce qu’il considérait comme Écritures inspirées ? Bien sûr. Il cite la Genèse (Matthieu 19.4, Marc 10.6), l’Exode à plusieurs reprises, ainsi que Lévitique et Nombres dans une instance ; il s’appuie sur Deutéronome dans ses tentations dans le désert ; les Psaumes sont ses citations plus communes, mais dans les pages du Nouveau Testament, il cite ou fait allusion à jusqu’à 24 de nos livres de l’Ancien Testament. Non seulement cela, mais son ministère est fondé sur l’accomplissement de toutes sortes de prophéties et de typologies dans l’Ancien Testament, et ses actes et paraboles sont pleins d’allusions à la théologie du Tanakh (terme hébreu pour l’AT). Il le déclare lui-même à la fin de l’évangile selon Luc:
“C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. 45 Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Ecritures.” (Luc 24.44-45)
Il parle des trois grandes catégories des Écritures, notamment le pentateuque, les livres prophétiques (qui pour les Juifs incluent les livres historiques) et en disant les Psaumes, il donne le premier dans la catégorie des livres de sagesse.
Quelles Écritures sont accomplies ? Jésus accomplit plusieurs prophéties qui se trouvent dans l’Ancien Testament (entre autres, le célèbre Ésaïe 52.13-53.12, le Psaume 22, Deutéronome 18.15-19, le Psaume 110, Michée 5.2, Zacharie 9.9). Les rédacteurs du Nouveau Testament partent du principe que l’Ancien Testament existe, ils le citent et y font allusion des centaines de fois, tout au long. Ils considèrent comme Jésus l’Ancien Testament comme leur texte d’autorité, et pour cela ils devaient avoir une idée de ce qui s’y trouvait. On voit qu’eux aussi, en plus des citations de Jésus, citent ou font allusions à presque tous les livres de l’Ancien Testament. Il y a une cohérence entre les deux testaments, une harmonie dans leur théologie, qui révèle la dimension surnaturelle de ces textes, mais qui montre également qu’il n’y avait pas de controverse quant au texte de l’Ancien Testament, puisqu’ils le citaient avec confiance même à leurs opposants. [1]
La nation d’Israël et la tribu de Juda
Les Juifs avaient été responsables de la transmission du texte de leurs Écritures. Ces textes étaient leurs documents nationaux. Ceci signifie qu’ils auraient eu moins de problèmes d’uniformité du texte que les chrétiens en ont eu dans leur temps, car ils auraient copié et transmis ces textes dans la tranquillité (relative) de leurs frontières. Cela ne veut pas dire que ces textes n’ont pas dû connaître des moments difficiles. Certains sont écrits par des prophètes persécutés par les rois d’Israël (Jérémie nous dit lui-même qu’il est persécuté pour son message). Mais c’est en cela qu’ils sont réellement incroyables. Les textes nationaux, les récits des faits et gestes des héros d’une nation, normalement font l’éloge inconditionnel de leurs rois et élèvent leur nation. Les textes de l’Ancien Testament montrent tous les échecs et les fautes des grands rois et des patriarches, même des plus grands comme Abraham et David, et le refrain des textes prophétiques est souvent : “Nation d’Israël, repens-toi de ton péché” (Jérémie 35.15, Amos 5, Joel 2.12-13), et ce, dans des termes peu glorieux, même choquants (Ézéchiel 16.15). Cette thématique du péché de la nation est présent de la Genèse jusqu’à Malachie ! Ces textes sont inclus dans le canon des documents nationaux, comme la constitution d’une nation, parce qu’ils sont effectivement prophétiques et parlent de ce qui a réellement eu lieu. Les prophètes ont déclaré, et il en fut ainsi.
Il est également intéressant que les Juifs et les chrétiens, deux religions différentes, utilisent le même texte aujourd’hui. Les Juifs ne disent pas que les chrétiens ont changé le texte. Nous sommes en désaccord sur l’interprétation du texte, mais pas pour ce qui est de son contenu.
Les écrits du désert
Il est vrai que pendant longtemps, il n’y avait pas de copies anciennes du Tanakh, les copies plus vieilles de l’Ancien Testament datant du Xème et du XIème siècle ap. J.-C. Cela a soulevé des questions sur la fiabilité du texte vétérotestamentaire, avec les doutes sur la transmission textuelle. Cependant, en 1947, les manuscrits de la Mer Morte ont été découverts. Ces manuscrits sont des textes datant du IIème siècle avant J.-C. jusqu’au IIème après, écrits et copiés par une communauté Juive qui voulait se séparer des autres et vivaient dans le désert, à Qumran. Que découvre-t-on dans ces textes ? Entre autre, des rouleaux des textes de la Bible hébraïque, des portions de l’Ancien Testament avec des commentaires, ainsi que des écrits qui citent l’AT. Tous les textes de l’Ancien Testament, en dehors du livre d’Esther ont été retrouvés. Néhémie est également absent, mais celui-ci appartenait à un seul rouleau avec Esdras, dont des fragments ont été découverts. Greg Lanier nous dit : « Globalement, les découvertes de la Mer Morte ainsi que les traductions anciennes ont confirmé l’exactitude fondamentale du texte massorétique [qui nous viennent du Moyen-Âge], ainsi confirmant aussi l’intégrité du processus de copiage sur une durée de plusieurs siècles. » (How We Got the Bible, p.63 (traduit de l’anglais))
Le grand rouleau d’Ésaïe est le plus célèbre, extrêmement proche du texte médiéval (et visionnable ici. Le texte de Lévitique trouvé dans l’ancienne synagogue d’En Guédi est également très proche de celui massorétique. Précisément au moment où les académiciens dénigraient l’intégrité du texte biblique, ces documents ont été découverts, montrant que Dieu préserve son message au travers de l’histoire.
Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas des difficultés pour les spécialistes de critique textuelle. C’est ce qui donne les notes de bas de page dans nos bibles. Dans certains cas extrêmes, comme celui de Jérémie, il y a deux éditions assez différentes entre la Septante et le texte massorétique, mais le message reste en gros le même. Et vu la vie de Jérémie, qui se déroule pendant une des périodes les plus tumultueuses de Juda et qui se termine en Égypte, on peut bien imaginer qu’ils puissent y avoir plusieurs éditions de ses oracles. Cependant, comme pour le Nouveau Testament, il n’y a pas de version alternative d’un texte qui remettrait en question la théologie biblique.
Les traductions anciennes
Les Juifs d’Alexandrie, pendant la période de domination grecque ont traduit leurs Écritures, probablement entre 250 et 150 av.J.-C., nous donnant la Septante (LXX). D’autres traductions anciennes ont eu lieu plus tard, mais ce qui est intéressant, c’est que toutes ces traductions, bien qu’il existe des variantes, proviennent de textes en hébreu plus anciens, déjà considérés comme Écritures vaillant la peine d’être traduites.
“Chaque effort de traduction est un témoignage, permettant aux académiques de faire le travail de revenir aux paroles utilisées dans l’original hébreu, à partir du grec/araméen/etc. Dans l’ensemble, ils confirment l’intégrité textuelle des Écritures hébraïques sur une longue période de temps.” Greg Lanier, How We Got the Bible, p.62 (traduit de l’anglais).
Comme mentionné, il existe des différences, mais celles-ci :
1. ne touchent aucun point doctrinal,
2. si la variation a un impact sur la lecture, les deux sont proposées dans une bonne bible,
3. peuvent refléter une interprétation ancienne d’un passage dans l’esprit du traducteur qui a voulu la rendre claire dans sa traduction (la LXX donne souvent de telles paraphrases).
Le témoignage interne de l’Ancien Testament
Finalement, l’Ancien Testament lui-même est une preuve de sa véracité et de son caractère surnaturel. Il inclut dans ses pages beaucoup de prophéties qui s’accomplissent : le nom du roi de Perse qui régnerait à partir de l’an 559 avant J.-C., prophétisé par Ésaïe environ 150 ans auparavant, dans Ésaïe 44 et 45 (Cyrus) ; la succession des empires Babylonien, Perse, Grec jusqu’à l’empire Romain, dans lequel le royaume de Dieu serait établi, ce qui est accompli dans la personne de Jésus (Daniel 2 et 8) ; la prophétie de Jérémie 29.10 que Babylone règnerait et que Juda serait exilée pendant 70 ans, ce qui a effectivement lieu : l’empire Babylonien est établi en 609 et renversé en 539 ; les premiers exils (dont le prophète Daniel) sont emportés en 605 av.J.-C. et l’édit de Cyrus annonçant que les Juifs pouvaient rentrer construire le temple est promulgué en 536 av.J.-C. ; alors que le Temple est détruit par Nabucodonosor en -586 et sa reconstruction est complétée en -516 (70 ans dans les trois cas). La royauté de David, descendant de Juda est prophétisée par Jacob/Israël lui-même dans Genèse 49.9-11. Non seulement ça, mais dès la Torah, dans les paroles de Moïse dans Deutéronome, la rébellion contre Dieu et l’exil des Israélites est prophétisé et décrit, ainsi que leur retour. Les prophètes annoncent contre Israël cet exil à maintes reprises en reprenant les paroles de Moïse, en avertissant le peuple de se repentir. L’Ancien Testament est considéré comme un livre prophétique même avant l’arrivée de Jésus sur la scène.
Pour les académiques critiques, ces prophéties réalisées sont la preuve que le texte de l’AT n’est pas écrit par Moïse, David, Daniel etc., mais plutôt le fait de personnes qui ont inventé ces histoires pour expliquer certains événements dans l’histoire du peuple d’Israël. Cependant, cette thèse part du présupposé que les événements surnaturels ne peuvent pas arriver, parce qu’un Dieu qui agirait au sein de l’histoire humaine n’existe pas. Ils représentent une minorité historique de personnes qui ne croit qu’à ce qu’ils peuvent expliquer uniquement par une vision du monde matérialiste. C’est leur problème, pas le nôtre.
Finalement, le récit initial de l’AT, l’histoire primitive de la Genèse parle puissamment à notre condition humaine. Adam et Ève, quand ils mangent du fruit, voient leur relation à Dieu (donc à l’éternité et au monde spirituel), leur relation conjugale (relations hommes-femmes), leur relation à la terre, bouleversées. Et aujourd’hui, l’humanité est encore et toujours confuse par rapport au monde au-delà de sa perception sensorielle, spirituelle, dans une guerre des sexes, et dans un rapport de frustration et de violence contre la terre. Ce texte décrit notre condition parfaitement et nous parle de l’espoir humain de délivrance de cette condition, qu’aucun autre texte ancien ni moderne ne peut. Cette histoire primitive même nous parle de Jésus, le fils de la femme, celui qui vient écraser la tête du serpent mais qui en sera blessé (Genèse 3.15). Et comme nous l’avons mentionné, Jésus se voit lui-même dans toutes les histoires de l’Ancien Testament, de la Genèse jusqu’à Malachie le dernier prophète du TaNaKh.
[1] Ceux qui voudraient en savoir plus sur comment Jésus considère et cite l’Ancien Testament, voir Unbreakable: What the Son of God Said About the Word of God, Andrew Wilson. À paraître en traduction française.