Le Nouveau Testament, version non originale ? (2/2)

par Juil 15, 2019Apologia Doctrine, Bible0 commentaires

Cet article est la suite de celui-ci. Nous y soutenons que la transmission du texte biblique est bien plus solide que celle de n’importe quel autre texte d’auteurs anciens de renommée.

« Quelques autres exemples » (puisque vous le demandez)

Dans le premier article, nous avons fourni des données sur le nombre de manuscrits du NT en opposition aux Guerres des Gaules de Jules César. 

Puisque vous en voulez, vous trouverez ci-dessous quelques autres exemples d’auteurs classiques mis face à « l’épreuve bibliographique » (voir Tableau 1).

Comme on pourrait l’imaginer, Homère, le grand auteur classique, est très représenté. Néanmoins, il reste bien en-dessous du nombre de manuscrits du Nouveau Testament qui sont disponibles aujourd’hui (3.2 fois moins le nombre de manuscrits, et 400 ans de différence entre le manuscrit plus ancien et la rédaction de son oeuvre). Pourtant, on fait confiance que son poème a bien été préservé.

Hérodote, nommé le “Père de l’Histoire” par Cicéron, n’a que des fragments de son oeuvre qui apparaissent à un écart d’au minimum 400 ans et au plus 630. De plus, on n’a que 109 manuscrits, mais un expert d’Hérodote écrivait déjà il y a plus de 30 ans, “[…] il est évident que le témoignage des papyrus n’est pas très utile pour élucider le texte des Histoires”[1], au contraire, “à part les fragments de papyrus […] notre meilleur et plus ancien témoin de ce texte est le manuscrit Laurentianus 70.3 du Xè siècle,”[2] c’est-à-dire plus de 1’300 ans après l’autographe ! Les chrétiens eux, on des copies entières de tous les livres du Nouveau Testament reliés en un seul livre à 300 ans des faits qui y sont décrits ! [3]

Tableau 1 : Comparatif des textes anciens, adapté du tableau du D. Clay Jones [4]

Auteur

Oeuvre

Date de rédaction

Date des papyrus/manuscrits plus anciens disponibles

Intervalle entre rédaction et manuscrit plus ancien

Nombre de manuscrits découverts

Homère

L’Iliade

800 av.J.-C.

env. 400 av.J.-C.

400 ans

1’757

Hérodote

Histoires

480-425 av.J.-C.

1-150 ap.J.C.

425-630 ans

109

Platon

Tétralogies

400 av.J.-C.

895 ap.J.-C.

1’300 ans

210

Tacite

Annales

100 ap.J.-C.

1ère moitié : 850 ; 2ème moitié : 1050 ap.J.-C.

750 ; 950 ans

2 + 31 tous du 15ème siècle

Nouveau Testament

Manuscrits en grec

50-100 ap.J.-C.

100-200 ap.J.C.

10-110 ans (si Jean est écrit en 90)

5’795

Manuscrits en d’autres langues

18’524

Et Platon, qui nous donne la philosophie grecque de Socrate ? Le premier manuscrit qu’on trouve de lui est daté de 1’300 ans après sa rédaction. Est-ce qu’un vilain moine du Moyen-Âge, cet âge sombre et obscurantiste (grâce auquel nous avons ce fil de transmission, au passage) aurait changé le sens de Platon ? Est-ce que l’on veut rejeter l’ensemble de Platon, parce que nous ne faisons pas confiance à sa transmission textuelle fidèle ?

Tacite fournit un exemple intéressant, non seulement parce qu’il est à cheval sur la même période des apôtres, un peu plus jeune, mais également car il est un des historiens qui nous fournit une référence à Jésus en dehors des sources chrétiennes (pour un prochain article) : seulement 2 manuscrits du IXème et du XIème siècles reproduisent sont oeuvre.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a moins de cent ans, les nombres pour tous ces manuscrits étaient encore plus maigres. Et pourtant, les profs continuaient d’enseigner, les livres continuaient d’être publiés, et l’on pouvait citer tous ces auteurs avec confiance. Parce qu’au fond, bien qu’un travail d’édition et de critique textuelle soit nécessaire pour peaufiner les détails, tout le monde croit à la transmission globale des textes !

Nous n’avons pas encore mentionné que les Pères de l’Église, des auteurs chrétiens des premiers siècles du Christianisme, nous fournissent plus d’un million de citations du Nouveau Testament dans leurs divers écrits, au point où, selon les experts, on pourrait reconstituer presque l’ensemble du Nouveau Testament rien qu’à partir de leurs citations.[5] Chaque donnée prise sérieusement ne fait que renforcer cette thèse : le Nouveau Testament est le document ancien le plus attesté, mais de loin ! C’est comme comparer un géant à une fourmi.

Alors, qu’est-ce que tout ceci prouve ? Tout d’abord, cela renforce la thèse que les textes du Nouveau Testament proviennent bel et bien du Ier siècle. Ce ne sont pas des inventions écrites des siècles plus tard, mais nous avons des textes des évangiles qui ont survécu au passage du temps, qui nous viennent des IIè, IIIè et IVè siècles, provenant d’un original écrit bien avant. C’est une conclusion difficile à éviter, surtout quand on connait le contexte historique de ces textes et les citations des Pères qui viennent après. Qui les a écrits ? Ce sera pour un autre article…

Le nombre stupéfiant de textes qui ont survécu à l’histoire nous montre que les chrétiens ont toujours considéré le texte du Nouveau Testament comme d’importance capitale. L’idée qu’ils le modifieraient pour n’importe quelle raison est visiblement absurde ! Alors qu’il est vrai que des changements se sont glissés dans le texte, pour diverses raisons que nous expliciterons ailleurs, l’accusation selon laquelle le texte d’aujourd’hui serait radicalement différent de l’original est tout simplement infondée. L’idée selon laquelle l’Église « officielle » changerait le texte est encore plus farfelue. Tout d’abord, il n’y avait pas d’organisme supervisant ce travail : la transmission des écrits s’est faite de façon naturelle au tout début, de ville en ville, pour transmettre l’enseignement des apôtres à ceux qui en voulaient. Même plus tard, les divers centres de copiage n’étaient pas en contact e-mail pour se mettre d’accord sur des changements ! Un changement à Byzance peut aujourd’hui être corrigé par un texte d’Alexandrie. Si quelqu’un qui copiait la Bible avait choisi de prendre des libertés, celles-ci seraient clairement visibles aujourd’hui à travers le travail de comparaison de textes de diverses origines ! Ceux qui lisent les langues anciennes peuvent comparer tous ces textes et y voir les changements et les choses inchangées. Autrement dit, s’il y avait eu un changement radical, ça se saurait ! Les experts parlent d’un “embarras de richesses” quand il en vient au texte du Nouveau Testament,[6] ce qui renforce la confiance qu’on peut avoir dans l’intégrité de ce texte. S’il y a un grand nombre de variantes, dont on parlera dans un autre article, c’est parce qu’il y a un nombre énorme de manuscrits.

Entretemps, avec cette épreuve bibliographique écrasante, nous pouvons déjà faire taire l’idée que la Bible actuelle serait composée de textes qui ont été compromis, radicalement transformés, dont on ne connaît plus le contenu original et que par conséquent, elle n’a pas de valeur pour nous dire ce que les premiers chrétiens croyaient, ni de valeur historique. C’est en effet LE texte ancien qui a le plus d’attestation historique, point barre.

Pour terminer avant de passer aux questions d’erreurs de transmission et de traduction dans d’autres articles, je laisse la parole aux chercheurs:

“Beaucoup [des documents du Nouveau Testament], surtout les plus anciens, sont bien sûr fragmentaires, cependant, les manuscrits grecs du Nouveau Testament font en moyenne plus de 450 pages.” En tout, il y a plus de 2,6 millions de pages de texte, ce qui nous laisse des centaines de témoins pour chaque livre du Nouveau Testament.” Daniel Wallace [7]

“Si on dit que le manuscrit moyen fait 5cm d’épaisseur, et on entassait toutes les copies de l’oeuvre d’un auteur grec dans la moyenne, cette pile ferait 1,2m, alors que les copies du Nouveau Testament l’élèveraient à 1,6km ! Voici ce qu’on appelle un embarras de richesses.” J. Ed Komoszewski, M. James Sawyer, Daniel Wallace [8]

[1] McNeal R. A., Herodotus: Book I (New York: University Press, 1986), p.xi, cité dans Jones, C. (2011, novembre). The Bibliographical Test Revisited. Contribution présentée dans le cadre de la 63ème conférence du “Evangelical Theological Society”, San Francisco, États-Unis. Traduit de l’anglais par Apologia.

[2] McNeal R. A. (1983). On Editing Herodotus. L’Antiquité Classique, Tome 52, p.111, https://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_1983_num_52_1_2086. Traduit de l’anglais par Apologia.

[3] Appelés Codex Sinaiticus et Codex Vaticanus (allez voir sur Wikipédia).

[4] https://www.equip.org/articles/the-bibliographical-test-updated/ Certaines données (2013) ont très probablement changé en raison de la recherche et des découvertes continues, mais il s’agit néanmoins des chiffres les plus récents disponibles librement sur internet, permettant aux lecteurs de s’y référer et constater leur véracité. Dr. Clay Jones nous dit : “L’épreuve bibliographique est essentiellement une instantanée du nombre de textes du NT et des autres auteurs à un moment spécifique.” Ses chiffres sont le résultat d’un travail de recherche datant de 2011-2013, et ils ont certainement changé, mais ceci nous permet néanmoins de faire un comparatif sérieux.

[5] Wallace, D.B., p.146.

[6] ibid., p.151.

[7] ibid., p.146. Traduit de l’anglais par Apologia.

[8] Komoszewski J.E., Sawyer M.J. et Wallace D.B., Reinventing Jesus, p.82. Traduit de l’anglais par Apologia.