Le Nom « Jéhovah » à tout prix !?

par Mai 29, 2019Apologia Hérésies1 commentaire

Le vrai nom de Dieu est Jéhovah !
Cette erreur des témoins de Jéhovah est certainement celle qui, par la pratique, est la plus courante chez ce groupe se réclamant de Jésus-Christ et de la Bible. Elle demande quelques connaissances techniques pour y répondre. Je ne ferai ni trop long, ni trop complexe ! 

Le livret « QUE NOUS ENSEIGNE LA BIBLE ? » est produit par la société Watch Tower qui organise, administre et diffuse les enseignements des TdJ. Ce livret constitue le socle de l’enseignement des TdJ. Il est distribué à chaque sortie de métro : on y trouve écrit au chapitre 1 :

« Jéhovah […] c’est là mon nom pour des temps indéfinis (pour toujours) » (Exode 3:15)

Et la Note n°1 à la fin du livret précise :
« Le nom de Dieu est Jéhovah. Ce nom peut signifier « Il fait devenir ». Jéhovah est le Dieu Tout-puissant. Il a tout créé. Il a le pouvoir de faire tout ce qu’il décide de faire. En hébreu, le nom de Dieu s’écrit avec quatre lettres. En français, elles correspondent aux quatre lettres YHWH ou JHVH. On trouve le nom de Dieu presque 7 000 fois dans le texte hébreu original. Dans le monde entier, les gens utilisent différentes formes du nom « Jéhovah ». Ils prononcent ce nom de la façon habituelle dans leur langue. »

Ici il semble que rien ne soit très problématique. Il n’est question que d’un seul verset ou le nom Jéhovah apparaît effectivement dans le texte en hébreux. Mais en réalité, l’enjeu est très important. L’une des affirmations récurrentes chez le TJ est que « Jéhovah » est le seul nom par lequel Dieu doit être désigné, et certains ont pu exprimer l’idée que l’utilisation correcte du nom de « Jéhovah » est essentielle au salut (Joël 2.22 cf. Rm 10.13), et nécessaire pour « rester l’ami de Jéhovah. »

Dans le livret, nous lisons encore :
Au « Psaume 83:18, Dieu nous dit que son nom est Jéhovah. « Dieu » et « Seigneur » ne sont pas des noms. Ce sont des titres, comme « roi » ou « président ». Jéhovah veut que vous utilisiez son nom. »

Pour les TdJ, le Père dans le Nouveau Testament est « Jéhovah » mais Jésus n’est pas Jéhovah comme l’est le Père. Les croyants sont donc appelés à être avant tout des témoins du vrai Dieu, des témoins de Jéhovah.

La réalité du texte biblique est tout autre et elle est parfois difficile à entendre pour les TdJ habitués à prononcer ce nom de cette manière. Tout d’abord le nom de Jéhovah n’est certainement pas le nom que les Juifs prononçaient en lisant ce verset.
Peut-être le savez-vous, mais autrefois les rouleaux de la Torah utilisés pour la lecture publique dans les synagogues ne contenaient que le texte consonantique en hébreu. Autrement dit les voyelles n’apparaissaient pas à l’écrit.
Les voyelles ont été ajoutées entre le 6e et le 9e siècle après Jésus-Christ par des érudits juifs que l’on appelle des massorètes.

Exemple de texte sans voyelles :
ויאמר עוד אלהים אל־משה כה־תאמר אל־בני ישראליהוהאלהי אבתיכם אלהי אברהם אלהי יצחק ואלהי יעקב שלחני אליכם זה־שמי לעלם וזה זכרי לדר דר׃ (Exode 3:15)

Exemple de texte avec voyelles :
וַיֹּאמֶר֩ עֹ֨וד אֱלֹהִ֜ים אֶל־מֹשֶׁ֗ה כֹּֽה־תֹאמַר֮ אֶל־בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵל֒ יְהוָ֞האֱלֹהֵ֣י אֲבֹתֵיכֶ֗ם אֱלֹהֵ֨י אַבְרָהָ֜ם אֱלֹהֵ֥י יִצְחָ֛ק וֵאלֹהֵ֥י יַעֲקֹ֖ב שְׁלָחַ֣נִי אֲלֵיכֶ֑ם זֶה־שְּׁמִ֣י לְעֹלָ֔ם וְזֶ֥ה זִכְרִ֖י לְדֹ֥ר דֹּֽר׃ (Exode 3:15) 

C’est le texte massorétique qui fait autorité chez les Juifs encore aujourd’hui. Lors de ces ajouts, les massorètes fixèrent les voyelles sur la base consonantique pour que l’écrit corresponde à la prononciation orale. Mais pour certains mots les voyelles ajoutées par les massorètes dans le texte n’étaient pas les voyelles prononcées oralement. Ce phénomène est bien connu des linguistes et des exégètes, il s’appelle le Qéri et Kétiv (qui signifie littéralement ce qui est lu et ce qui est écrit). Il y a plusieurs exemples de ce phénomène dans la bible hébraïque, mais je vous passe les détails. Le cas qui nous intéresse concerne le verset 15 d’Exode 3 cité par les témoins de Jéhovah.

Comme le note le guide de la bible hébraïque de Thomas Römer et Jean Daniel Macchi :
« De plus, on trouve dans le Texte Massoretique quelques Ketiv-Qéré perpétuels qui sont présumé connus de tous (…). Le plus connu est celui du nom propre d’Israël écrit יְהֹוָה (Yhwh) mais qu’il faut lire אֲדֹנָי (Adonaï) Seigneur. »

Il y a donc parmi les Qéri et Kétiv du Texte Massorétique quelques Qéri et Kétiv que l’on nomme « perpétuels », car ils sont si bien connus qu’ils n’ont pas besoin de renvoyer à une note pontuelle explicative comme c’est le cas pour la plupart des Qéri et Kétiv du Texte Massoretique. C’est le cas d’Exode 3.15 qui est « le plus connu ». Il faut pour ce cas précis lire אֲדֹנָי(Adonaï) Seigneur et non Jéhovah. En effet, le 4e commandements (ou la 4e parole) déclare :
« Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ; car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain. » (Exode 20 :7) 

Ce commandement était si important pour les lecteurs de la Torah que lorsqu’apparaissaient les 4 lettres du nom de Dieu יהוה (le tétragramme) les lecteurs ne le prononçaient pas de peur de le prononcer « en vain » c’est-à-dire avec une intension qui ne serait pas parfaitement pur. Ils avaient donc l’habitude de prononcer à la place un autre nom de Dieu, mais considéré moins sacré afin de ne pas blasphémer. C’est le nom אֲדֹנָי (Adonaï) qui signifie Seigneur qui était utilisé.
Lorsque les massorètes ont transcrit les voyelles sur le texte consonantique, ils ont donc appliqué les voyelles de mot Adonaï sur les 4 consonnes יהוה sacrées. Il y a donc une différence entre ce qui est lu et ce qui est écrit. Le résultat donne un nom artificiel avec les 4 consonnes originelles et le les voyelles de Adonaï. Ce mot artificiel permet aux lecteurs de la Torah de reconnaître les voyelles de Adonaï et de prononcer Adonaï pour ne pas prononcer le nom sacré de Dieu. Le nom Jéhovah est donc est une forme tout à fait artificielle qui a été traduite maladroitement par des traducteurs chrétiens de la Renaissance et/ou du Moyen. Le mot Jéhovah qui est une forme hybride et qui a été obtenu en fusionnant les voyelles d’un mot avec les consonnes d’un autre, n’a jamais été le nom de Dieu. Les spécialistes estiment dans leur majorité que la prononciation originelle pourrait être Yahwé.

 Pour finir de répondre aux Tdj, il faut faire remarquer plusieurs points :

• Dieu a de multiples noms dans la Bible qui ne se limitent pas à Yahvé. Il est faux de dire que Dieu demande de l’appeler systématiquement Jéhovah. Il serait regrettable de ne pas user de l’ensemble des noms qu’ont toujours utilisé les prophètes et les apôtres et qui chacun nous apprennent quelque chose de spécifique sur Dieu. Jésus a particulièrement insisté pour que nous appelions Dieu, « notre Père ». 

 « Yahwé » et non « Jéhovah » est la traduction la plus probable du nom de Dieu dans Exode 3 :15 et dans le reste de l’AT.

 Le Mot Yahwé est un dérivé du verbe être (haya) en hébreux et l’on peut dire que le nom du Dieu d’Israël se traduit « celui qui est » plutôt que « il fait devenir » comme le suggèrent les Témoins de Jéhovah (livret p.17, Vérité n°2). La traduction grecque des LXX le traduit par exemple « l’étant » (ho ōn).

 Jésus s’est attribué lui-même ce nom en Jean 8 :58 « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. » Il n’est donc pas question de dire que Jésus n’est pas Yahwé comme l’affirment les témoins de Jéhovah (Livret p.44 paragraphe 12).

  Le pardon des péchés est obtenu dans le nom de Jésus (Jean 3:16 ; Actes 4:11; 10:43 ; 1 Jean 3:23-24 ; 5:1). Et Jésus lui-même est le seul chemin qui conduit au salut (Jean 14:6 ; Actes 4:12 ; 1 Jean 5:13).

 Le mot Jéhovah n’apparaît nulle par dans le NT qui a été écrit en grec. Lorsqu’un verset de l’AT contenant le nom de Dieu est cité dans le Nouveau Testament, c’est le mot « Seigneur » (Kurios) qui est employé systématiquement. Autrement dit les apôtres et les évangélistes qui ont écrit le Nouveau Testament en grec ont transcrit le tétragramme de l’hébreux vers le grec en respectant le phénomène du Qéri et Kétiv, c’est à dire en rendant le mot Seigneur plutôt que le nom ineffable de Dieu. Il n’ont pas pour ça créer une transcription hellénisée du mot hybride « Jéhovah ».  L’innovation des témoins de Jéhovah supplante donc le consensus des apôtres sur la formulation du nom de Dieu en grec. Les conséquences d’un tel choix devraient être méditées, en particulier au regard des dérives judaïsantes et légalistes auxquelles les premiers chrétiens et en particulier l’apôtre Paul ont dû faire face…(Galates 2.14)

 L’expression « Témoins de Jéhovah » n’apparaît pas dans le NT en revanche le NT parle des témoins de Jésus-Christ (Actes 1:8 ; 2:32 ; 3:15 ; 4:33 ; 13:30-31).

 Les TdJ ont raison de dire que le tétragramme YHWH est très présent dans l’AT et qu’il doit être connu. Mais je pense que les Témoins de Jéhovah ont tort de déclarer que le nom de Jéhovah doit être utilisé par les francophones comme la bonne traduction du nom de Dieu. Il est évidemment faux de croire que Dieu prendrait comme un manque de respect de l’appeler autrement. Il est totalement infondé de croire que le salut de l’homme ou l’amitié que Dieu nous accorde dépendraient de l’utilisation du nom de Jéhovah. Faire de ce nom la clé de voûte de la foi chrétienne n’est en tout cas le choix qu’on fait les auteurs inspirés du Nouveau Testament. Les personnes qui ont pu être séduites par l’argument selon lequel les Témoins de Jéhovah sont plus minutieux dans leur lecture et leur usage des Écritures au sujet du nom de Dieu, sont généralement conduits par un manque de connaissances des phénomènes linguistiques.

 Jésus a dit :

« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Actes 1.8)« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Actes 1.8).

Etre témoins de Jésus, c’est être véritablement témoin de YHWH, notre Seigneur!