Dieu et le racisme, 2ème partie : « Jésus est raciste ! »

par Août 14, 2019Apologia Doctrine, Bible2 commentaires

Bouche bée. Voilà comment j’étais, membre du public lors du débat entre notre Rémi, son ami Manu et Karim Al-Hanifi, où l’apologète musulman sortit l’énormité suivante : “Jésus pratiquait l’apartheid !” (liens pour les vidéos du débat en bas de l’article)

Dans l’article précédent, nous avons vu que la Bible condamne le racisme, la haine de l’autre sur la base de son ethnicité. Le plan de Dieu inclut un seul peuple composé de toutes les nations. Les apôtres amènent le message de Jésus aux peuples qui les entourent et à la fin du premier siècle, la plupart du monde connu des apôtres est touché en quelque sorte par l’évangile. Pourtant, selon quelques apologètes musulmans, Jésus ne serait venu que pour les “brebis égarées d’Israël”. Il ne s’intéressait qu’aux Juifs quoi.

L’exemple utilisé par cet apologète se trouve dans un passage certes étrange des évangiles, relaté à la fois par Marc (7.24-30) et Matthieu (15.21-28). Voici la version de Matthieu.

21 Jésus, étant parti de là, se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon. 22 Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria: Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon. 23 Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec instance: Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24 Il répondit: Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. 25 Mais elle vint se prosterner devant lui, disant: Seigneur, secours-moi! 26 Il répondit: Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. 27 Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. 28 Alors Jésus lui dit: Femme, ta foi est grande; qu’il te soit fait comme tu veux. Et, à l’heure même, sa fille fut guérie. (Matthieu 15.21-28) 

Il est vrai que ce passage, à sa première lecture, est un peu déroutant. Jésus, n’est-il pas un peu dur avec cette femme ? Si on faisait une lecture sélective et biaisée du texte, on pourrait en tirer non seulement que Jésus est raciste, mais qu’il est également misogyne !

Mais ce n’est pas en détachant un texte de son contexte qu’on fait de l’exégèse sérieuse. Voici donc les considérations à prendre en compte en lisant ce texte.

1. Jésus est parfois dur

Jésus est dur avec beaucoup de personnes dans les évangiles, que ce soit des hommes ou des femmes. Il est l’amour incarné, mais nous montre que l’amour, c’est parfois être dur afin d’enseigner quelque chose de fort. Il est notre Seigneur et sauveur, mais il est également notre maître, rabbin ou sensei, et il est là pour nous enseigner. On le voit dans ses paroles à Pierre (Matt. 16.23, un chapitre après la femme cananéenne et quelques versets après l’avoir béni à cause de sa confession de foi), à sa propre mère (Jean 2.4), dans son interaction avec la femme samaritaine (Jean 4.1-42) et avec ses disciples après la Résurrection (Luc 24.25). Et ça, c’est avec des personnes pour qui il a de l’affection ; on n’a même pas parlé de ses paroles envers les Pharisiens !

2. Cette histoire est dans le texte pour une raison

Matthieu et Marc racontent tous les deux cette histoire. Ils la considèrent importante. Matthieu rédigea son texte pour un public principalement juif alors que Marc écrivait pour des Romains. Pourquoi Marc écrirait-il cette histoire quand son souci était celui de convertir et d’enseigner des Romains ? Dans la version de Matthieu, écrite pour des disciples juifs, les disciples, qui sont Juifs, ont un rôle important d’observateurs (point mis en avant par le théologien expert du Moyen-Orient Kenneth Bailey). “Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec instance: Renvoie-la, car elle crie derrière nous.” Ces derniers ne parlent même pas avec la femme, ils l’ignorent parce qu’ils ne sont pas censés, dans leur tradition, parler avec un païen et encore moins avec une femme païenne pestiférée ! Jésus, loin d’être raciste, est en train de faire sortir le racisme des disciples afin de mieux le confronter. Qui est réellement la personne qui, dans cette histoire, s’en sort le moins bien ? Matthieu, l’auteur.

3. L’exégèse ne peut pas soutenir l’interprétation de Karim

Nous observons également que les évangélistes rapportent la conversation entre la femme et Jésus. Le Christ utilise une parabole pour parler de la situation : “Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens.” Il lui dit : “Dans cette image, les enfants, ce sont les Juifs. Les petits chiens, c’est toi et ta fille. Je ne peux pas te nourrir d’abord si c’est le cas.” Nous remarquons ici que les chiens étaient considérés comme très sales et non comme un animal domestique gentil. Néanmoins, le mot grec qu’emploie Jésus ici est une sorte de diminutif (point mis en avant dans plusieurs commentaires bibliques). Peut-être que même alors qu’il cherche à être dur, il modère son langage afin de ne pas être trop offensif. Cette image reste quand même très dure. Jésus la met à l’épreuve, afin de voir l’état de sa foi. Il fait cela ailleurs dans les évangiles, et parfois des foules entières l’abandonnent (cf. Jean 6.66).

Mais ce que fait cette femme, et c’est la première à le faire, c’est entrer dans la parabole ! Elle se place dans l’image de Jésus. Elle comprend mieux l’enseignement de Jésus que ses propres disciples ! C’est la première personne dans Marc à comprendre une parabole. Elle lui dit : “Oui, je sais que vous, les Juifs, nous considérez comme des chiens, mais toi, tu es le Fils de David, le Messie prophétisé dans les Écritures. Et tu débordes de la puissance de Dieu, donc je peux bien recevoir ce que je demande.” Elle lui montre une compréhension théologique de qui Jésus est et de ce à quoi elle peut s’attendre en plaçant sa foi en Lui !

Jésus lui dit alors une phrase qui démontre qu’il la mettait effectivement à l’épreuve et lui donne toute son approbation : “Femme, ta foi est grande; qu’il te soit fait comme tu veux.” On voit que Jésus, qui dit souvent à ses propres disciples : “gens de peu de foi” (Matthieu 6.26), ici dit à cette femme qu’elle comprend bien plus que ses disciples. Non seulement ça, mais il lui dit, en réalité : “Quelle réponse ! Je te donne ce que tu veux. Ta foi démontre que tu n’es pas un chien, mais que tu as ta place à ma table.” Les disciples sont éberlués, comme quand il parle avec la femme samaritaine (Jean 4.27).

Ce passage est donc, bien au contraire de ce que disent certains, une condamnation du racisme des disciples et une exaltation de l’intelligence, de la sagacité et de la foi de cette femme non-juive, ainsi qu’une préfiguration de la réalité que le message de l’évangile serait pour toutes les nations.

4. Les quatre évangiles montrent un mouvement qui en partant d’Israël, va vers les nations

Ce mouvement est particulièrement visible dans Matthieu, Luc et Jean, mais il est également présent dans Marc. Dans ce passage de Matthieu, on voit effectivement Jésus dire “Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.” Mais à la fin de ce même évangile, il déclare à ses disciples, “19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.” (28.19-20)

Matthieu, Marc et Luc, et les nations

Dans Marc et Matthieu, la multiplication des pains pour les 5’000, qui étaient des Juifs, est suivie de la multiplication des pains pour les 4’000, dans le territoire de la Décapole, une région mixte avec beaucoup de non-Juifs. Non seulement ça, mais les 4’000 et les 7 paniers remplis sont des nombres symboliques de la plénitude, le 4 étant celui des quatre coins du monde, et 7 le nombre des jours de la création, indiquant que ce message doit aller saisir des milliers dans la terre entière. Matthieu, Marc et Luc relatent également les jugements que Jésus apporte contre Jérusalem en disant, dans la parabole des vignerons : “C’est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits” (Matthieu 21.43).

Luc nous montre deux envois missionnaires : d’abord, Jésus envoie les 12 (Luc 9), nombre représentatif des 12 tribus d’Israël, ensuite les 70 (Luc 10), nombre représentatif des nations du monde (Genèse 10). Les dernières paroles de Jésus dans l’évangile de Luc sont les suivantes :

Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, 47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. 48 Vous êtes témoins de ces choses. 49 Et voici, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut.” (Luc 24.46-49)

Jean et les nations

Mais Jean nous montre quelque chose de particulièrement intéressant. Au chapitre 4, Jésus parle à une autre femme non-juive et lui dit :

Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. 24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité.” (Jean 4.21-23).

Il prédit que le salut sortirait d’Israël pour toucher les nations, mais avant, il fallait que le système du Temple arrive à sa fin.

Puis, peu avant sa crucifixion, des Grecs cherchent à rencontrer Jésus.

20 Quelques Grecs, du nombre de ceux qui étaient montés pour adorer pendant la fête, 21 s’adressèrent à Philippe, de Bethsaïda en Galilée, et lui dirent avec instance: Seigneur, nous voudrions voir Jésus. 22 Philippe alla le dire à André, puis André et Philippe le dirent à Jésus. 23 Jésus leur répondit: L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. 24 En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. (Jean 12.20-24)

Jésus voit le fait que des Grecs veulent le rencontrer comme le signe que son ministère terrestre arrive à sa fin. Son message doit aller au-delà des frontières d’Israël, mais pour cela, il faut que ce message soit complet. Et il ne peut l’être sans qu’il soit d’abord allé à la croix comme sacrifice substitutif pour les péchés des hommes, sans qu’il soit ressuscité. Il a fait son enseignement à ceux qui étaient considérés comme le peuple de Dieu, il va maintenant accomplir les Écritures qui étaient en leur possession afin que le message puisse arriver aux oreilles des Grecs dans sa forme complète, afin qu’ils ne le confondent pas avec un nouveau Socrate. Il n’est pas un philosophe, et il n’est pas qu’un prophète pour la nation d’Israël, mais il est le sauveur de l’humanité. Cette réalité est confirmée dans la même conversation, quand il dit, quelques versets plus tard : “Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi” (Jean 12.32).

Au vu de tous ces faits, comment peut-on lire l’évangile de Matthieu et conclure ce que concluent ces apologètes ? En faisant une lecture sélective et biaisée. C’est pourquoi aucun commentateur biblique fidèle au texte ne peut prendre cette interprétation au sérieux.

5. Peut-on faire confiance à ces apôtres ?

À la fin du débat, la partie musulmane a affirmé : “Wallah al Adhim, je ne mettrais même pas ma confiance dans les personnes qui ne comprennent même pas la dernière parole de Jésus.” Ceci venant du fait qu’à maintes reprises, le message que Jésus leur dit est le suivant : “Allez dans toutes les nations pour en faire des disciples,” et que les disciples ne comprennent pas ce commandement. C’est vrai. Ils ne comprennent pas. Pendant plusieurs mois, ils restent entre Juifs pour prêcher l’évangile, et l’Esprit Saint doit leur ouvrir les yeux. Pierre est particulièrement fautif. Il a une vision qui lui révèle cet enseignement (Actes 10-11) mais même encore après ça, il tombe dans sa vieille façon de faire et doit être repris par l’apôtre Paul (Galates 2.11-14). Mais qu’est-ce que cela prouve ? Qu’ils sont honnêtes. À la fin, ils ont écrit les évangiles, le livre des Actes et leurs lettres en montrant au monde entier que l’Esprit Saint a dû briser les barrières culturelles qui avaient été établies depuis leur enfance, leur empêchant d’aller vers des non-Juifs. Vous savez quel autre enseignement de Jésus ils n’ont pas compris, bien qu’il le leur ait expliqué cela à maintes reprises? Le fait qu’il devait être crucifié. Lisez les évangiles et vous verrez que les apôtres ne comprennent pas cet enseignement de Jésus jusqu’à ce qu’il soit ressuscité. Pourquoi ? Parce qu’on leur avait enseigné une image différente du Messie, qui serait un roi conquérant et qui dominerait sur les autres nations.

Les apôtres sont finalement dignes de confiance, parce qu’ils racontent en parfaite honnêteté leur dureté de coeur, que l’Esprit Saint doit briser afin qu’ils comprennent finalement l’enseignement de Jésus. Cela rend leur témoignage encore plus fort, c’est une marque de la véracité du NT.

De la même manière, Dieu doit détruire les préjugés de nos coeurs.

Quand nous avons des pensées racistes, mais également quand nous avons un enseignement faux qui nous a été inculqué dès le plus jeune âge. Les musulmans croient que les hommes choisis de Dieu doivent être des hommes particulièrement saints, pratiquement sans péché. Des super-saints. La Bible affirme autre chose. Les patriarches, les prophètes, et les apôtres sont des pécheurs comme nous. Malgré nos faiblesses, Dieu nous utilise, et il nous transforme pour nous rendre plus saints au long de nos vies. Il peut même utiliser des racistes entêtés pour accomplir ses desseins, comme avec le prophète Jonas. Et il les change à travers les expériences difficiles qu’il leur fait traverser, pour qu’ils comprennent la vérité.